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Chen Yifu

Compte-rendu de la séance du 03/06/2009 consacrée aux travaux de Yifu Chen

LA PRATIQUE DU CALCUL MENTAL A L’AIDE DU BOULIER JAPONAIS A TAIWAN



Pour préparer cette séance, Yifu Chen nous avait proposé de lire 4 articles :


[Ayme, N., 1997]

Le boulier chinois. Actes du colloque : L’Océan Indien, au carrefour des mathématiques arabes, chinoises, européennes et indiennes. Saint Denis : IUFM de La Réunion.


[Martzloff, J.-C., 1997]

A History of Chinese Mathematics. New York, Springer, p.209-216


[Smith, D. E., Y., Mikami, 1914]

A history of Japanese mathematics. Chicago, Open Court punlications, p.18-46.


[Chen, Yifu]

A brief introduction to the abacus mental calculation in Taiwan,

... ainsi que deux vidéos sur youtube a regarder avant la séance :

http://www.youtube.com/watch?v=Px_hvzYS3_Y

http://www.youtube.com/watch?v=wIiDomlEjJw


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Etaient présents Sophie Desrosiers, Agathe Keller, Eric Vandendriessche, Rémy Dor, Fabienne Wateau, G. Bénit, C. Marchika.

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C’est au Japon que s’est développée cette technique, transmise ensuite à Taiwan (lors de la colonisation japonaise).
Yifu Chen a lui-même appris cette technique étant enfant, qu’il n’appréciait pas beaucoup ; ce sont ses parents qui l’ont obligé à acquérir cette compétence.
Le groupe ne connaissant pas la technique du boulier, Yifu nous propose :

  1. De travailler les maniements de base.
  2. De parler du calcul mental

Le boulier japonais possède 4 boules sur la partie supérieure, alors que le boulier chinois en possède 5.

Yifu fait sa démonstration à l’aide du logiciel « soroban »

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Ecriture d’un nombre sur le boulier : 12345
Les petits points noirs sont des points de repère qui permettent de fixer l’unité.



EV s’interroge sur la place de l’unité : est-elle toujours à la même place ?

Yifu répond que non. Le praticien choisit sa place avant le calcul.


Les activations/désactivations des boules se font avec pouces et index sur le boulier japonais.

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Exemple d’additions simples :

28 + 57
On affiche 28 On procède de gauche à droite : on active une boule « 5 » dans la colonne du 2 ;
puis pour afficher 7 ; on lui substitue 10 – 3 ;
on active donc une boule de dizaine et on désactive 3 boules dans la colonne des unités.

Pour aider à la mémorisation de ce type de manipulation, il existe de nombreuses comptines qu’apprennent les très jeunes enfants dès 3 ans, par exemple comment additionner 7 sur le boulier…

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Pour la soustraction également, on procède de gauche à droite.

Idem pour retrancher 28 ; on désactive 2 dans les dizaines ;
puis on retranche (désactive) 10 et on ajoute 2.

Addition et soustraction sont la base de toutes les manipulations sur le boulier.

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Pour la multiplication, il y a eu de nombreuses méthodes.
Il y a maintenant une méthode unique.


Exemple 28 par 7
On commence de gauche à droite.
On active 14 (dizaines) puis on place le 56 sur le 4.


C’est la méthode couramment utilisée à Taiwan et au Japon aujourd’hui. Ce n’est pas la méthode décrite par Nathalie Aymé, qui présente deux méthodes plus anciennes.


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La division est très proche de la méthode écrite.
Il faut deviner combien de fois le diviseur est contenu dans le dividende.

Exemple
196 divisé par 28 :
On commence par deviner le quotient possible, dans ce cas, 7.
On inscrit le quotient dans les colonnes à gauche de celles du dividende.
Généralement, ce serait une ou deux colonnes décalées
entre le quotient et le chiffre le plus à gauche du dividende.

Puis on soustrait le produit du quotient et la division.
Dans ce cas,
on retranche d’abord 7x2(0) = 14(0), ensuite 7x8 =56.

On ne laisse pas les calculs intermédiaires, qui s’effacent
au fur et à mesure que le calcul se fait.
Le boulier est d’ailleurs un support fragile, un mouvement et c’est la catastrophe.



Autre exemple

1234 divisé par 4

La première étape : inscrire le dividende

Le diviseur n’est pas inscrit sur le boulier, on le faisait autrefois,
maintenant l’enjeu est d’être très rapide, donc on écrit le moins possible.

12 divisé par 4, donc 3, que l’on active ; et on désactive 12

On décale d’une rangée à droite,
puis 34 par 4 = 8 et reste 2
(obtenu en désactivant 32 sur les 34).

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Yifu Chen projette une première vidéo d’une émission TV des années 90, où l’on peut voir une compétition de calcul mental avec des enfants de 8 ans qui pratiquent depuis 3 ans. Un professeur annonce les questions : séries d’additions et soustractions de 3 ou 4 chiffres.

Quand la liste se termine, les enfants inscrivent presque instantanément le résultat. En fait, les calculs se font grâce à une une représentation mentale du boulier.

On voit un enfant qui bouge ses doigts comme s’il manipulait un boulier. YC nous dit que ce dernier a encore des progrès à faire car, à terme, tout doit se passer dans la tête.


AK rappelle que cette compétence vient directement de la pratique du boulier, avec lequel noter les nombres et faire les opérations se fait simultanément.


YC insiste sur le fait que c’est la mémoire « à court terme » qui est ici en jeu et sollicitée. Donc, à la fin de la série d’opérations, on a oublié les premiers termes ou facteurs, voire tous, en ne gardant en tête que le résultat.


AK s’interroge : ces enfants ont-ils conscience qu’ils manipulent des quantités ?

Car il y aurait là une représentation du nombre basée sur une opération mentale et un geste, ce qui ne serait pas en accord avec la théorie Pica-Dehaene qui postule que le nombre est rendu possible, au-delà de 4 ou 5, par la langue.


EV pense qu’une étude de terrain pourrait certainement nous renseigner sur la façon dont ces très jeunes enfants perçoivent ces configurations sur le boulier et comment, ensuite – peut-être à partir de celles-ci –, se fait l’apprentissage de l’écriture des nombres. Cette question intéresserait au plus haut point les pédagogues, en particulier ceux qui travaillent sur l’école maternelle.


AK : Historiquement, avant la colonisation, les enfants commençaient par apprendre le boulier. Il serait intéressant de savoir s’ils apprenaient le pinceau simultanément.


EV : Dans le cadre de ces ateliers extra-scolaires, pose-t-on des problèmes de la vie courante aux jeunes ? Ceci permettrait de voir s’ils associent les configurations obtenues sur le boulier avec une réalité numérique.


Au Japon, AK dit qu’elle a un jour acheté 10 timbres à 50cts de yen. Le postier a effectué le calcul à la calculette, puis ensuite sur son boulier. AK s’est longtemps interrogée sur la raison pour laquelle il avait besoin de vérifier sur le boulier. Elle pense que cela vient certainement de niveaux de réalité qui sont mal associés.


YC : Le boulier se pratique surtout de nos jours dans les ateliers extra-scolaires. Dans le système scolaire, il s’utilise plus tard, dans les écoles de commerce et comptabilité. Si on obtient le grade 2, on peut assez facilement intégrer une banque.

Lui-même, enfant, a pratiqué dans des ateliers. Il n’aimait pas trop cela car à raison d’une heure et demie, trois fois par semaine, cela lui prenait beaucoup trop de temps.


AK trouve qu’il y a ici une similitude avec ce qu’a pu observer Dominique Vellard en Afrique, où une pratique extra-scolaire du nombre rencontre une pratique scolaire.
Par ailleurs, AK voit dans le boulier un formidable outil pour faire comprendre de façon très concrète le concept de numération décimales positionnelles.


YC propose une seconde vidéo, tournée au Japon. Il s’agit d’une séance d’enseignement à de jeunes enfants ; les démonstrations sont faites à l’aide d’un grand boulier.

Devenus adolescents, ces jeunes gens deviennent des calculateurs prodiges. On voit que cette pratique requiert une très grande concentration.

YC nous fait remarquer la différence de forme des boules entre le boulier chinois et le boulier japonais. Selon lui, la forme plus fine (moins arrondie) des boules de l’abaque japonais aurait une incidence sur la netteté des représentations mentales que l’on s’en fait et donc une incidence sur la rapidité du calcul mental.

La couleur des boules a aussi son importance. Elles doivent être claires pour mieux faire ressortir les configurations.

Certains enfants sont sélectionnés pour participer à des compétitions nationales puis internationales (Corée du sud, Japon, Chine, Taiwan).


AK y-a-il un discours traditionaliste, nationaliste autour de cette pratique ?


YC : au Japon, il y a certainement le désir de perpétuer une tradition ; mais à Taiwan, ancienne colonie japonaise, on ne respecte pas beaucoup les traditions, au contraire… Donc la pratique du boulier est plutôt vécue comme quelque chose de nouveau.


EV revient sur l’usage des comptines. Existe-t-il des outils de substitution pour les très jeunes enfants qui ne connaîtraient pas encore les tables de multiplication ?


YC : Oui. Puis on les oublie par la suite car elles ralentissent le calcul.


AK insiste sur le faite que ces comptines sont vraiment liées à la manipulation du boulier. « Pour retrancher 5 : tu fais ceci cela avec les boules… »


FW pose la question de l’oubli de cette compétence acquise jeune.


YC répond que si on ne pratique pas, on perd extrêmement vite.

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